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Management packages, les BSPCE en sursis ?


Gonzague Chaussois
Associé
L’administration fiscale a récemment indiqué (lors d’un rescrit du 25 mai 2023) que des titres provenant de l’exercice de BSPCE ne pouvaient pas bénéficier du mécanisme du sursis d’imposition lors d’un apport. Cette position a suscité des interrogations et certains y voient un élargissement logique et probable au mécanisme de report d’imposition. Les bénéficiaires de ces produits devront s’acquitter du règlement d’un impôt lors d’opérations juridiques, quand bien même ils n’auront perçu aucun revenu, mais uniquement l’espoir d’une plus-value latente.

Quelques rappels

Le sursis d'imposition

L’apport d’actions d’une société à une autre peut s’analyser comme une cession et une acquisition instantanées, qui conduiraient ainsi au règlement d’une éventuelle fiscalité sur la plus-value constatée bien qu’aucune somme d’argent n’ait été touchée. Le mécanisme du sursis d’imposition permet de considérer cette opération comme purement intercalaire et de s’acquitter de la fiscalité sur la plus-value lorsque les nouveaux titres seront revendus.

Exemple :
Des actions A sont acquises en 2023 pour 2€ puis apportées en 2025 pour 3€ en échange d’actions B. Les actions B sont revendues en 2027 pour 5€.
Le mécanisme du sursis permet de s’acquitter de la fiscalité relative à la plus-value, uniquement en 2027 en déclarant 3€ de plus-value, plutôt qu’en deux étapes qui consisteraient à déclarer 1€ de plus-value en 2025 puis 2€ de plus-value en 2027.

Les BSPCE

Les BSPCE sont des options d’achat gratuites, attribuables sous certaines conditions à des salariés, dirigeants, administrateurs ou membres de conseils de surveillance. Ces options permettent à leurs bénéficiaires d’acquérir ultérieurement des titres à un prix fixé aujourd’hui (ce prix devant être à minima la valeur de l’action à la date d’attribution des BSPCE).

Exemple :
Des actions A sont valorisées 0,5€ en 2020 et des BSPCE sont attribués à cette date à un prix d’exercice de 0,5€. L’échéance de cette option est de 3 ans.
En 2023 l’action A est valorisée 2€ et le bénéficiaire des BSPCE exerce son droit d’acquérir 0,5€ une action qui en réalité a une valeur de 2€, il bénéficie donc d’un « cadeau de 1,5€ ».

Les BSPCE à l’épreuve du sophisme

L’administration fiscale précise que « Les BSPCE sont attribués à des salariés ou des dirigeants d’une société en considération de leurs fonctions salariées ou de leur qualité de mandataire social. Dans cette situation, le gain de cession de titres souscrits en exercice de BSPCE résulte directement de l’activité que les intéressés ont personnellement déployée dans la société et qui a contribué à la valorisation des titres. ».
S’il est vrai que le gain attaché aux BSPCE peut résulter en partie de l’activité des intéressés, il en va tout autrement de la plus-value attachée aux titres issus des BSPCE. Il convient en effet de distinguer deux choses que sont d’une part le gain pouvant résulter en partie d’une activité et d’autre part celui résultant principalement d’un risque capitalistique.

BSPCE, les différentes étapes.

Il n’y a pas que le travail dans la vie

La plus-value réalisée entre la date d’exercice des BSPCE et la date de l’apport ne saurait dépendre de l’activité des salariés et l’argument selon lequel les BSPCE seraient attribués uniquement à des salariés ne tient pas la route puisque justement, à l’issue de l’exercice des BSPCE, d’une part ces derniers n’existent plus et d’autre part les bénéficiaires ne sont plus tenus par une clause de présence (sauf disposition du pacte, mais ceci est une autre histoire et un autre débat relatif à la requalification en traitements et salaires d’une plus-value). Un risque capitalistique « de marché » a par ailleurs été pris par les bénéficiaires des titres, correspondant à la somme du prix d’exercice et de l’immobilisation du gain issu des BSPCE. Les bénéficiaires des titres agissent ainsi comme de véritables actionnaires auxquels on ne pourrait reprocher de réaliser un gain en raison de leur activité, sauf à aller sur le terrain de la requalification, mais une fois de plus ceci est une autre histoire qui nécessite d’autres arguments.

Si l’on s’attache maintenant au gain réalisé pendant la période de détention des BSPCE et correspondant à la différence entre la valeur de marché des actions à la date d’exercice et le prix d’exercice, ce dernier peut trouver en partie son origine dans l’activité du bénéficiaire. Il convient néanmoins d’insister d’une part sur la multitude de paramètres conduisant au gain (l’activité du bénéficiaire n’est pas la seule et unique variable explicative) et d’autre part, quand bien même cela serait le cas, la finalité d’un mécanisme d’incitation à l’actionnariat salarié est justement de s’affranchir des contraintes relatives au statut de salarié, pour épouser celui d’actionnaire. Pourquoi vouloir alors refuser une réglementation relative aux titres, quand justement l’objectif de l’instrument est de promouvoir l’actionnariat salarié. Ce constat est également valable pour la composante « gain d’acquisition » des actions issues d’une attribution gratuite et qui ne bénéficie pas non plus du mécanisme de sursis lors d’un apport.

En refusant le mécanisme de sursis au gain de titres provenant de BSPCE, l’administration semble oublier l’origine économique d’une plus-value et risque d’ajouter un frottement important lors d’opérations de reprise. Espérons que cette position soit appelée à évoluer. En attendant, les bénéficiaires de BSPCE (tout comme le font déjà les bénéficiaires d’AGA) devront anticiper un financement parfois significatif, lors d’opération d’apports, afin de s’acquitter d’un impôt sur une somme théorique qu’ils n’auront pas perçue.


Sources :

BOFIP - 25 mai 2023