Management packages et investissements modiques
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Le caractère "Modique", une notion ambiguë
Une évaluation a posteriori
De nombreux intervenants se sont émus des propos de l’administration fiscale lorsque la notion d’investissement « modique » a été évoquée. Doit-on comprendre que le caractère modique doit s’entendre de l’investissement initial rapporté au gain réalisé ? Le dénouement heureux d’une opération ne doit pas faire oublier que celui-ci n’était pas certain au départ et qu’il constituait alors un scénario parmi tant d’autres. Nier ce concept reviendrait à remettre en cause l’intégralité des investissements. Une entreprise pourrait alors aussi bien demander à l’administration fiscale de lui rembourser les cotisations patronales de stock-options devenues caduques, en arguant du caractère modique (nul ici) du gain réalisé au titre de l’investissement de départ !
Une valorisation tenant compte des spécificités du bénéficiaire
Le caractère modique de l’investissement peut aussi s’entendre de l’investissement initial rapporté au patrimoine initial du manager. Certains confrères se sont également alarmés de cette interprétation qui supposerait que la valeur d’un actif dépende de son bénéficiaire. Il ne nous semble pourtant pas évident de contester cette interprétation. Sans pour autant donner des arguments à l’administration fiscale, nous comprenons que le caractère modique d’un investissement eu égard au patrimoine de ses bénéficiaires peut soulever des questions.
La théorie financière classique repose en effet sur les courbes d’utilité de la richesse supposées être concaves, malheureusement ce n’est pas nécessairement le cas lorsque les investissements sont modiques et les gains importants.
Les courbes d'utilité de la richesse
Les courbes d'utilité en quelques mots
Un ticket de loto ne devrait théoriquement pas valoir plus que son espérance de gain actualisée. La Française des Jeux ne rencontre pourtant aucune difficulté à commercialiser ses produits à un prix largement supérieur à l’espérance de gain. Cela s’explique non seulement en raison de l’impossibilité de réaliser un arbitrage en vendant à découvert un ticket de loto (ce qui est également le cas pour un management package), mais aussi et surtout en raison de l’absence d’aversion au risque des investisseurs lorsque les investissements sont faibles rapportés à leurs patrimoines et les gains importants. Autrement dit, si l’on vous propose une citerne d’eau pour traverser le Sahara, une deuxième citerne vous sera certes utile mais moins que la première, la courbe d’utilité de votre richesse est concave. En revanche, si l’on vous propose une bouteille d’eau (un volume « modique ») ou un tirage au sort vous donnant une chance sur un million de gagner une citerne, mieux vaut jouer, ce sera le seul moyen de survivre, la courbe d’utilité de votre richesse est alors convexe.
Les courbes d'utilité en finance
La théorie financière suppose généralement que les courbes d’utilité soient concaves et croissantes. C’est-à-dire qu’un individu cherche toujours à percevoir plus d’argent et que l’utilité d’un euro supplémentaire est plus faible que celle du premier euro. Ce n’est pas nécessairement le cas, nous avons cité, lorsque les montants sont faibles, l’exemple du joueur de loto, mais on peut également penser au dirigeant acculé qui tente l’investissement de la dernière chance.
Le lien avec les management packages
Lorsque les montants proposés pour investir dans un management package ont été obtenus à l’aide d’approches classiques d’évaluation et que ces dernières conduisent à une valorisation modique, un détracteur pourrait alors objecter que la théorie financière ne s’applique pas dans ce cas et que la valeur du produit est en réalité plus forte. Au même titre que la valeur de marché d’un ticket de loto est plus élevée que celle obtenue par une approche classique d’évaluation.
C’est notamment pour cette raison que les produits dérivés à destination des particuliers, dont les effets de leviers sont significatifs et qui ne peuvent être vendus à découvert, présentent sur les plateformes boursières des valorisations significativement supérieures aux options du MONEP à destination des professionnels.
Défendre l’absurdité de comparer le caractère modique de l’investissement au regard du gain final est donc une chose, il en est une autre de réfuter immédiatement l’argumentaire de l’administration fiscale lorsque celui-ci concerne le caractère modique de l’investissement au regard du patrimoine initial du manager.
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