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OC et LBO, quel est le juste taux ?


Gonzague Chaussois
Associé
La structuration financière des investissements en quasi-fonds propres, lors d’une opération de LBO, intègre parfois des instruments de taux tels que des OC (obligations convertibles) ou des « ADP de taux » (actions de préférence dont le rendement est capé). Le taux d’intérêt de ces outils nécessite d’être rigoureusement évalué, afin de réduire le risque fiscal.

De quels risques fiscaux parle-t-on ?

La remise en cause de la déductibilité des intérêts

L’administration fiscale peut considérer que le taux d’intérêt des OC est trop élevé et que ce dernier ne reflète pas le taux de marché, c’est-à-dire le taux d’intérêt que la NewCo aurait pu obtenir dans des conditions de marché normales, auprès d’un établissement financier, pour un emprunt ayant les mêmes caractéristiques.

La requalification en salaire des gains des actionnaires ne détenant pas d’instruments de taux

Puisque si l’on s’en réfère à Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », l’administration fiscale ne manquera pas - et à juste titre - de faire remarquer que selon le principe des vases communiquant, si les OC ne sont pas assez rémunérées au regard de leur risque (taux faible, absence de conversion, etc.), le différentiel de valeur basculera chez les porteurs d’autres titres (AO, ADP Ratchet, etc.), qui percevront alors une rémunération complémentaire et indue, ouvrant ainsi le débat de l’inadéquation entre le gain et la prise de risque capitalistique.

Comment définir le taux de rémunération des OC ?

Les taux de rémunération des OC sont souvent déterminés selon une règle forfaitaire, allant historiquement de 8% à 12%. Les évolutions récentes des marchés financiers (chute des taux depuis 10 ans) ont néanmoins conduit les acteurs à réduire les exigences de rendement et l’on observe aujourd’hui des émissions d’OC avec des taux compris entre 7% et 10%. Le choix du taux final au sein de cette fourchette est cependant généralement guidé par les négociations entre investisseurs, plutôt que par un modèle de crédit.
Si l’on souhaite déterminer de manière fiable le taux d’intérêt, il existe deux approches :
La première, la plus simple, consiste à réaliser une étude comparative des taux pratiqués lors d’opérations similaires ou mieux, à demander à un établissement bancaire une cotation. Cette solution souffre cependant d’une grande difficulté d’accès à l’information et il est quasi certain qu’en dépit de l’altruisme reconnu des banques, les demandes de cotation se heurtent à une fin de non-recevoir.

La seconde approche, probablement la plus robuste, nécessite de recourir aux techniques financières du risque crédit et d’élaborer un modèle structurel ou à intensité.
L’approche structurelle, que nous utilisons régulièrement lors de nos missions, vise à modéliser l’évolution de la valeur d’entreprise, en univers risque-neutre, selon une loi statistique à définir (loi log normale, processus de diffusion mixte, etc.), puis à apprécier le niveau de taux d’intérêt permettant de compenser les évènements de défauts. Concrètement, nous réalisons de nombreuses simulations de Monte Carlo afin de quantifier les scénarios au sein desquels la dette est en souffrance, cette technique correspond à celle utilisée par Moody’s au sein du modèle KMV.

Quelques ordres de grandeur concernant les taux

En tenant compte d'une opération sur 5 ans, dont la NewCo est financée ainsi :

Valeur d'entreprise (volatilité de 20%) 100
Fonds propres (Actions + OC)50
Dette bancaire nette50
Tranche A (amortissable 7 ans à 1,4%)35
Tranche B (in fine 7 ans à 2,0%)20
(Disponibilités)(5)

Nous aboutissons aux résultats suivants concernant le taux capitalisé des OC :

Simulation Monte Carlo

Ces résultats sont valables pour des OC qui seront convertibles uniquement en cas de détresse financière.

Des OC convertibles ou non convertibles ?

Les résultats présentés précédemment sont valables pour des OC que l’on rencontre fréquemment lors d’opérations de LBO, c’est-à-dire pour lesquelles la conversion n’a lieu en réalité qu’en cas de détresse financière. Pour des OC plus classiques, bénéficiant d’une conversion en cas de hausse des actions, le taux d’intérêt sera faible, éventuellement nul. Si la parité de conversion - à nominal identique - est de 1 OC pour 1 action, des OC classiques qui bénéficieraient d’une séniorité sur les AO, les rendant de facto plus intéressantes que des AO ne versant pas de dividendes, ne pourraient pas de surcroit prétendre à un taux d’intérêt.

Une erreur dans l’appréciation du taux d’intérêt de ces instruments peut se révéler couteuse sur le plan fiscal et toucher, comme nous l’avons signalé plus haut, aussi bien la NewCo, que ses actionnaires par effet ricochet. Il conviendra ainsi de justifier rigoureusement les taux pratiqués au travers d’une approche quantitative et d’être en mesure de défendre aussi bien le modèle retenu que les hypothèses de ce dernier.


Références :

Bulletin Joly Sociétés - Janvier 2019
Endettement auprès d'entreprises liées et déductibilité fiscale : une probatio diabolica ?
Par : Jean-Louis Médus - Avocat à la cour

Journal Of Finance - May 1974
On the pricing of corporate debt: the risk structure of interest rates
Par : Robert C. Merton